jeudi 18 janvier 2024
Safiatou Séré est l’une des rares femmes qui évolue dans l’arbitrage féminin au Burkina Faso et plus précisément à Bobo-Dioulasso. Évoluant dans le métier depuis 2018, elle a aujourd’hui le grade d’arbitre de ligue. Passionnée, elle rêve, non seulement de devenir une arbitre internationale, mais aussi de devenir la référence de l’arbitrage féminin au Burkina Faso. A travers une interview qu’elle a accordée à notre rédaction Safiatou Séré aborde des questions sur sa position de femme dans un milieu d’hommes.
Safiatou Séré est l’un des éléments sur lesquels peut compter le Burkina Faso dans le domaine de l’arbitrage féminin. Grande professionnelle, elle maîtrise aujourd’hui les « lois du jeu ». Ses ambitions et sa détermination lui ont permis ainsi de gravir les échelons. Safiatou Séré évolue beaucoup plus dans le football féminin. Prenant son métier à cœur, elle se donne pour rôle de susciter des vocations en donnant envie aux jeunes filles de commencer l’arbitrage.
En effet, cela fait plusieurs années déjà que Safiatou prouve qu’elle est l’une des meilleures femmes arbitres, non seulement sur la scène locale (Bobo-Dioulasso), mais à l’échelle nationale. Elle a montré qu’elle est capable de diriger des rencontres de très haut niveau. Amoureuse du sport, elle a débuté sa carrière en tant que footballeuse. Dès le bas âge, Safiatou Séré ne veut pas jouer à la poupée. Elle décide donc de jouer au football et très vite elle se fait une place importante dans le milieu. Une période que la footballeuse considère aujourd’hui comme l’un de ses meilleurs souvenirs, alors que les débuts ont été très compliqués car pour son entourage, le foot était un sport réservé aux hommes.
Le transit du football à l’arbitrage s’est fait grâce à un de ses coachs qui voyait surement en elle ce potentiel et ces aptitudes au métier d’arbitre. « Je suis venue dans ce métier par hasard ou par coup de chance puisqu’à la base je suis footballeuse. Donc à un certain moment j’ai décidé d’arrêter ma carrière dans le football. C’est là qu’un de mes coachs m’a dit que comme j’ai toujours excellé dans le sport, si j’arrête c’est sûr que je vais prendre du poids. Pour ne pas donc perdre la main et rester dans le domaine sportif, il m’a demandé de constituer un dossier pour le recrutement des arbitres. Au début cela ne me tentait pas parce que généralement, nous les footballeuses nous insultions toujours les arbitres (rires). Néanmoins j’ai apporté mes dossiers et au moment opportun, j’ai été retenue », a-t-elle confié.
De footballeuse à l’arbitrage
Pour le recrutement à l’époque, elles étaient deux seulement à déposer leurs dossiers. Malheureusement, elle sera la seule à poursuivre l’aventure car la deuxième candidate va abandonner très vite. « C’est en 2018 que nous avons commencé la formation et j’étais la seule fille parmi mes promotionnaires. Lorsque je suis arrivée, je ne savais pas qu’à la base, il fallait courir seulement. Chaque jour lorsqu’on venait, c’était courir seulement. Comme j’avais pris du poids, je voulais maigrir aussi. C’est pourquoi j’ai continué et à la longue il se trouvait qu’à Bobo-Dioulasso, il n’y avait pas assez d’arbitres féminines. Elles étaient seulement deux. Lorsque je suis arrivée, l’autre est partie à Ouagadougou et nous sommes restées deux mais l’autre était assistante. On avait besoin d’une qui faisait l’arbitre central. Comme j’évoluais dans le football, j’avais un peu d’expérience, donc tout est parti de là », a expliqué Safiatou Séré.
Après une année de dure formation, alliant pratique et théorie, Safiatou Séré est désormais apte à assurer le métier d’arbitre. Pour se faire une place, Safiatou a beaucoup travaillé ses qualités physiques et sa puissance athlétique. Toute chose qui lui a permis de commencer à arbitrer des matchs avant la fin de sa formation. « Mon insertion n’a pas été difficile, elle a été trop immédiate.
Il y avait un manque, donc lorsque je suis arrivée, le championnat qui a suivi, j’ai commencé à faire les matchs dans toutes les régions et principalement à Bobo-Dioulasso. Mes arbitrages ont été plus féminins, mais souvent j’étais chez les garçons par exemple lors des matchs de ligue 3 et souvent ligue 2 mais pas au centre ; en tant qu’assistante. Nous faisons toutes sortes de matchs mais nous sommes plus dans les matchs féminins », a-t-elle laissé entendre.
Elles ne sont que deux arbitres féminins en activité à Bobo-Dioulasso à ce jour. Même si récemment il y a eu une formation de jeunes filles. « Au début, elles étaient au nombre de douze mais à la fin on s’est retrouvé avec seulement cinq filles. Il est souhaitable que ce soit les footballeuses en fin de carrière qui viennent dans le métier d’arbitrage. En ce moment, la formation devient plus facile. Celles qui viennent comme ça trouvent que la formation est difficile et généralement elles ne connaissent rien du football. Donc nous sommes obligées de leur apprendre les B.A.BA du football avant qu’elles ne commencent à exercer le métier de l’arbitrage », a-t-elle souligné.
Ainsi, la jeune Safiatou Séré s’est vite découvert une passion dans l’arbitrage.
Discrète, travailleuse, ambitieuse, animée d’une volonté de fer. Tels sont les mots utilisés pour désigner notre jeune arbitre. La jeune femme a pu gravir les échelons mais il convient de rappeler que la carrière d’arbitre, surtout féminin, n’est pas un long fleuve tranquille. Safiatou Séré est bien consciente qu’il est très souvent difficile de sortir la tête de l’eau dans le sport au Burkina Faso. A l’en croire, le métier ne nourrit pas son homme.
La plupart des arbitres vivent en dépendance des primes des recettes des matchs. « L’arbitrage, en tant que tel, ne nourrit pas son homme. Actuellement, nous sommes en pause, si tu n’as pas une autre activité à côté ce n’est pas simple puisque la rémunération n’est pas mensuelle. Nous sommes payés en fonction des matchs arbitrés », a laissé entendre Safiatou Séré.
« L’arbitrage féminin est un métier qui ne nourrit pas son homme »
Ce n’est plus une surprise de voir des femmes arbitrer des matchs d’hommes un peu partout dans le monde. Elles sont souvent sélectionnées non pas parce qu’elles sont des femmes, mais parce qu’elles sont compétentes. Malheureusement, fait-elle remarquer, il y a certaines personnes qui ne comprennent pas pourquoi une femme vient arbitrer des matchs, surtout des matchs d’hommes. Ces femmes arbitres sont ainsi confrontées très souvent à des remarques sexistes. Elles font l’objet d’attaques des supporters et endurent des remarques désobligeantes. Sur le terrain, leurs décisions sont constamment contestées. D’autres, prétextant la tradition, « ne veulent pas se faire commander par une femme ».
« Les difficultés ne manquent pas même si je n’ai pas autant de difficultés que les autres. Déjà il arrive souvent que nous ne sommes pas au top de notre match. De mon côté, le courant passe plus avec les filles sur le terrain que les garçons. Lorsqu’on nous met dans des matchs de garçons, il y a d’autres qui nous sous-estiment parce que nous sommes des femmes, donc toutes nos décisions sont contestées. Certains, lorsqu’ils nous voient seulement, ils commencent à nous lancer des propos blessants. Ils nous disent souvent que la place d’une femme c’est à la maison et non sur le terrain. Lorsque tu siffles, ils sont toujours là pour protester mais ce qui est sûr, c’est l’arbitre qui a toujours le dernier mot », a-t-elle fait savoir.
Même si elle dit n’avoir jamais été victime ou assisté à une telle scène, elle reconnaît cependant que certaines arbitres sont victimes d’agressions dans l’exercice de leur fonction. « Moi particulièrement on ne m’a jamais porté la main. Aussi, il y a certains, pour qui c’est leur première fois de nous voir sur le terrain, qui sont contents et ils nous respectent. Ils sont contents de voir que l’arbitrage est assuré par une femme », a indiqué dame Séré. Son rêve aujourd’hui est de devenir une arbitre internationale. Et elle compte se donner les moyens pour y arriver.
« Nous avons eu la chance d’avoir des devancières qui sont basées à Ouagadougou. Elles ont eu la chance d’être internationales et elles bougent beaucoup. Mon souhait c’est de devenir un jour comme elles. Surtout que l’arbitrage burkinabè soit relevé aux yeux de tous et que nos sœurs s’impliquent davantage », a-t-elle dit.
Avant d’inviter les autorités à s’impliquer davantage dans le sport féminin car dit-elle, le football féminin a beaucoup évolué. « Et lorsqu’on parle de football, logiquement il y a les arbitres à côté. Malheureusement l’arbitrage féminin est laissé à la traine, et n’est pas valorisé. Certaines viennent, lorsqu’elles accouchent une fois, elles abandonnent et pour d’autres ce sont leurs maris qui refusent qu’elles viennent sur le terrain. Tant de difficultés que nous rencontrons, seulement ce sont nos devancières qui nous donnent de la motivation et nous espérons que d’autres sœurs vont emboiter les pas », a-t-elle souhaité.
Romuald Dofini
Lefaso.net