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Burkina Faso : Roukiatou Sedgo, victime d’excision, se bat contre la pratique

mercredi 19 juin 2024

Roukiatou Sedgo est la coordonnatrice du projet « Vivre avec l’excision », une initiative déterminée à aider les victimes de mutilations génitales féminines (MGF) et à sensibiliser le public sur les dangers de cette pratique. Ayant elle-même subi cette mutilation, Dame Sedgo a choisi de transformer sa douleur en une force pour le changement de mentalités des populations. Une équipe de Lefaso.net a rencontré cette militante pour recueillir son témoignage sur sa propre expérience de l’excision ainsi que les conséquences de cette pratique sur sa vie.

Aujourd’hui âgée de 31 ans, Roukiatou Sedgo se souvient encore comme hier de ce qui s’est passé il y a 20 ans lorsqu’elle fut excisée. C’est après l’obtention de son certificat d’études primaires que Roukiatou devrait être conduite au village, soi-disant pour saluer ses tantes. Mais finalement, elle fut conduite dans un village non loin de Ouagadougou où elle sera excisée.

« Elles étaient trois vieilles femmes ; une pour tenir les pieds, une autre pour écarter les jambes et la troisième pour effectuer l’excision. Un récipient en terre cuite contenant des pièces d’argent et des lames était présent. Le clitoris était coupé et jeté dans un trou puis recouvert de sable. J’ai perdu beaucoup de sang et pendant une semaine, tous mes habits étaient tachés. À l’époque, on utilisait des morceaux de pagnes et comme il était interdit de se laver, j’étais obligée de doubler les pagnes », se souvient-t-elle.

Lorsqu’elle voulut comprendre les raisons qui avaient poussé ses parents à la faire exciser, elle reçut diverses réponses. « Ma mère m’a expliqué que cette décision venait des grands-parents pour éviter que je ne devienne frivole. Une autre raison était la croyance que le clitoris touchant la tête de l’enfant à la naissance pouvait causer la mort du nouveau-né », nous confie-t-elle.
Aujourd’hui, Roukiatou continue de ressentir des douleurs fantômes et des séquelles psychologiques. Selon elle, cette expérience a perturbé ses relations familiales et a affecté sa santé mentale.

Bien qu’elle soit soutenue par ses parents dans son combat contre l’excision, elle a toujours des craintes concernant l’intimité et l’accouchement.
« Physiquement, la réparation n’a pas été totalement immédiate mais ça va. Mais du côté mental, je crois que jusqu’aujourd’hui, j’ai toujours ce souci car j’ai la crainte d’aller en intimité avec un homme parce que je me demande si la personne va m’accepter ? Serai-je limitée au plan sexuel ? Aurai-je des difficultés à l’accouchement ? Il y a vraiment toutes ces questions qui font que beaucoup de jeunes filles excisées ont du mal avec leurs conjoints, surtout côté sexuel », se confie-t-elle.

Autre énorme défi auquel elle fait face est la perspective de la reconstruction du clitoris, car elle redoute de revivre cette douleur, malgré l’anesthésie.
Mais même si de son côté elle ne sent pas encore prête pour cette reconstitution, elle le recommande fortement aux femmes excisées qui sentent le manque d’une partie de leur corps.

Ayant reçu un soutien psychologique et médical, elle invite les femmes excisées à se tourner vers un centre de santé pour avoir le soutien nécessaire.
« Le soutien psychologique et médical est crucial. Mieux vaut se tourner vers les centres de santé plutôt que de suivre des conseils douteux sur les réseaux sociaux. Il ne sert à rien aussi d’utiliser certaines choses pour espérer satisfaire le mari à la maison. Il faut surtout aller à l’hôpital. La réparation des séquelles est gratuite et il est essentiel de recevoir des soins professionnels », conseille-t-elle.

Pour éviter que d’autres filles ne soient dans son cas, Roukiatou Sedgo, à travers son projet « Vivre avec l’excision », maximise sur les campagnes de sensibilisation pour espérer toucher le maximum de personnes car elle espère qu’il n’y ait plus de fille excisée au Burkina d’ici 2030.

Dame Sedgo appelle le gouvernement et les partenaires à intensifier leurs efforts et encourage les femmes à briser le silence.
« Il est crucial que les femmes partagent leurs histoires pour sensibiliser le public aux traumatismes qu’elles vivent. Elles ne doivent plus être muettes. Elles doivent oser raconter l’histoire de comment la pratique s’est faite et aussi décrire comment elles souffrent pour que les gens puissent prendre conscience du mal et du traumatisme avec lequel nous vivons. »

Hanifa Koussoubé
Lefaso.net

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