vendredi 14 juin 2024
Dans le quartier Balkuy de Ouagadougou, Fanta Konaté/Ouédraogo se bat quotidiennement pour offrir une vie meilleure à 43 enfants abandonnés ou orphelins. Initialement association, l’orphelinat tire ses racines d’une expérience personnelle douloureuse qui a forgé la détermination de Fanta Konaté à venir en aide aux enfants vulnérables. La responsable de l’orphelinat « Cri du Cœur » a reçu une équipe de Lefaso.net à son domicile qui lui sert de centre d’accueil des enfants pour raconter son parcours et les défis auxquels elle fait face.
La vocation de dame Konaté pour l’aide aux enfants a commencé avec sa grand-mère, qui s’occupait déjà d’enfants abandonnés. Elle était passionnée elle aussi par les enfants depuis son plus jeune âge, mais c’est une tragédie personnelle qui a véritablement catalysé son engagement. En effet, elle fut confrontée à un cas où une fillette de14 ans enceinte, rejetée par ses parents, a fini par décéder après une césarienne difficile. C’est cet événement, dit-elle, qui l’a poussé à agir pour que cela n’arrive plus jamais.
« J’assistais une fille de 14 ans qui est tombée enceinte et qui s’est retrouvée à la rue parce que les parents l’ont chassée car ils se sentaient déshonorés. Je m’occupais d’elle et je la rassurais. Un jour, elle m’appelle et me demande de venir. Lorsque que je suis arrivée, j’ai remarqué qu’elle saignait beaucoup et tout de suite je l’ai conduit à la maternité. De là-bas, ils ont appelé l’ambulance et ils nous ont confié que c’est juste pour sauver la maman car le bébé ne vivait plus. Arrivé au CHU Yalgado Ouédraogo, il fallait faire une césarienne tout de suite et l’ordonnance s’élevait à 150 000 CFA. Nous avons pu faire la césarienne, mais malheureusement cela n’a pas marché et la fille est décédée », se rappelle-t-elle.
A partir donc de ce drame, dame Konaté a alors commencé à accueillir des filles mineures enceintes et à chercher des parrains et marraines pour les soutenir. Cependant, à partir de 2015, les soutiens extérieurs se sont raréfiés, obligeant l’association à se dissoudre. La responsable de l’orphelinat a alors continué seule, épaulée par une de ses amies, pour gérer les besoins quotidiens des enfants.
« Au départ, c’était une association qui a été créé en 1999. Mais vu qu’avec le temps les aides se raréfiaient, nous, membres de l’association, étions finalement obligés de mettre la main dans la poche pour nous occuper des enfants. C’est là que l’association s’est disloquée et je suis restée toute seule à gérer », a expliqué la responsable de « Cri du Cœur ».
L’orphelinat accueille aujourd’hui 43 enfants, mais par faute de places, 32 résidents sont sur place et les autres vont dans les quartiers non lotis juste à quelques mètres de l’orphelinat, le temps d’y passer la nuit et de revenir.
« Nous sommes dans cette situation car nous n’avons pas beaucoup de places pour dormir et nous avons aussi un manque de nattes et de matelas. Donc si l’enfant a un parent éloigné, il part juste dormir et le matin, à partir de 6h, l’enfant revient pour manger, aller à l’école, revenir à midi, manger et repartir à l’école pour revenir le soir se doucher manger et répéter », a confié Fanta Konaté.
Malgré les obstacles, la responsable fait de son mieux pour que chaque enfant ait une chance de réussir en mettant un accent fort sur la scolarisation. Mais à l’entendre, cette mission n’est pas toujours facile au vu des différents fournitures et frais de scolarité qui s’élèvent à 5 000 FCFA par élève pour ceux du primaire et 21 500 FCFA par élève pour le collège.
En plus des problèmes de scolarisation, les difficultés auxquelles Fanta Konaté fait face sont multiples.
« La difficulté majeure c’est vraiment la nourriture. Etant des enfants en bas âge, ils réclament tout le temps à manger. Par jour, si c’est du riz que nous voulons cuisiner, nous n’avons pas moins de 25 kilogrammes à payer et si c’est du tô, ce n’est pas moins de 5 kilogrammes de farine de maïs ; ce qui nous oblige à débourser la somme de 15 000 FCFA pour manger matin midi et soir », a-t-elle indiqué.
En plus des difficultés liées à la restauration, l’orphelinat est quotidiennement confronté à des problèmes de santé, d’eau, d’espace de couchage, de manque de savon, etc.
« Avec la saison pluvieuse qui s’annonce, nous pouvons avoir quatre à cinq enfants qui font le paludisme au même moment. Et aussi, notre boite à pharmacie est vide, ce qui veut dire que même si un enfant en jouant se blesse, nous n’avons rien pour le soigner sur place », regrette-elle.
Malgré les difficultés, Fanta ne perd pas espoir. Elle demande à toute personne qui peut leur venir en aide de ne pas hésiter à le faire. L’aide peut être matérielle ou simplement une visite pour jouer avec les enfants car, dit-elle, « cela met beaucoup de joie dans le cœur des enfants ».
Contact : +226 70 22 76 18
Hanifa Koussoubé
Lefaso.net