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Leadership féminin : Halimata Sawadogo et les statistiques, une histoire de passion

jeudi 14 décembre 2023

Ingénieur statisticienne économiste, Halimata Sawadogo a vu le jour le 31 décembre 1993, à Gorki dans la commune de Téma-Bokin (province du Passoré). Issue d’une famille de cultivateurs, elle fait partie de la deuxième promotion des bénéficiaires de la bourse GRASP (Gender Responsive Agriculture Systems Policy), un programme de développement de carrière pour les femmes africaines dans le domaine des politiques agricoles. Occupant actuellement le poste de Data services expert pour Akvo, une organisation néerlandaise intervenant dans les domaines de l’agriculture, l’environnement, l’eau et l’assainissement, cette experte s’est ouverte à Lefaso.net.

Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un statisticien économiste ?

Halimata Sawadogo (HS) : Un ingénieur statisticien économiste est un spécialiste des méthodes statistiques, capable d’intervenir dans des domaines multidisciplinaires incluant à la fois, l’économie, le social et l’environnement. Ses interventions vont du développement des outils de collectes de données, le traitement et l’analyse des données jusqu’à la production des résultats scientifiques permettant de guider les activités de développement.

Il maîtrise l’art de manier les données afin de les comprendre et de les analyser, souvent en développant des modèles économétriques pour résoudre des problèmes complexes. Les modélisations peuvent être utilisées pour simuler des scénarios et anticiper des tendances futures. En se basant sur les résultats des analyses, l’ingénieur statisticien économiste offre des conseils éclairés pour faciliter la prise de décisions. Ainsi, il est capable d’évoluer dans divers secteurs tels que les institutions gouvernementales, les banques, les entreprises privées, les organismes de recherche et les organisations internationales.

Aimez-vous les statistiques depuis le lycée ou l’université ?

C’est quand j’ai commencé la formation à l’Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée d’Abidjan, ENSEA, que j’ai commencé à développer cette passion pour la statistique. J’ai alors été stagiaire à l’INSD et à la Chambre de commerce dans le cadre de ma formation en statistique et économie appliquée. Après cette formation en septembre 2020, il y a eu une petite pause et j’ai fait encore deux mois de stage à l’INSD avant de rejoindre en janvier 2021, le cabinet d’étude STAT DES fondée par deux de mes aînés statisticiens.

J’ai ensuite rejoint Akvo (une fondation qui travaille dans le domaine du suivi évaluation de programmes et projets) en mai 2021 en tant que stagiaire et un mois plus tard, j’ai obtenu un CDD. J’occupe actuellement le poste de Data Services expert et je suis Alumni Yep Agro-Food (Young expert programmes). Mon travail à Akvo consiste principalement à assurer, la collecte, le traitement et l’analyse des données en collaboration avec mes collègues et aboutissant à la production de rapports permettant de synthétiser le contenu des informations issues des données. Il y a également l’appui technique aux partenaires pour répondre à leurs besoins spécifiques.

La collecte de données englobe la conception et numérisation des questionnaires sur des plateformes de collecte, la formation des agents sur l’utilisation des outils de collecte, la supervision terrain ou en ligne via des tableaux de bord. Le traitement, réalisé pendant et après la collecte, assure la qualité des données. Après, il y a tout ce qui touche à la visualisation, au calcul des indicateurs, aux tests statistiques à travers la manipulation de multiples logiciels statistiques. En plus de mes responsabilités principales, je m’implique dans diverses tâches pour aider mes collègues, ce qui contribue à diversifier mes compétences.

Actuellement, je travaille à temps partiel, plus précisément à 80%, en accord avec l’organisation. Cela signifie que je travaille quatre jours ouvrables sur cinq dans la semaine. Cette décision a été prise de manière concertée avec l’équipe dirigeante, dans le but de mieux concilier mes engagements professionnels avec mes objectifs personnels, en particulier dans le cadre du programme GRASP (Gender Responsive Agriculture Systems Policy). Ce choix me permet de maintenir un équilibre entre mes responsabilités professionnelles et mes aspirations personnelles, contribuant ainsi à une productivité accrue et à une plus grande satisfaction au travail.

Quels sont les objectifs en prenant part au programme GRASP ?

Avec ce programme, j’espère apprendre davantage sur les politiques agricoles et les aspects liés au genre à travers le réseau qui existe déjà et d’autres opportunités. J’ai besoin de bien définir mes objectifs et comprendre comment réussir un projet, y compris la prise en compte de l’aspect genre dans la mise en œuvre des projets. Je veux développer mon réseau, mon leadership ainsi que mes capacités de communication et de négociation.

Je remercie AWARD de m’avoir sélectionnée, malgré le fait que je ne remplissais pas la condition des 10 années d’expériences professionnelles qui constituait un atout pour intégrer ce programme. Je vais donc saisir cette opportunité pour bien orienter ma vision, que j’ai exposé pendant le processus de sélection et pouvoir contribuer au bien-être de ma communauté.

Quel projet menez-vous dans le cadre du programme GRASP ?

Dans le cadre de ce programme, mon but est de pouvoir contribuer à améliorer la situation socioéconomique des femmes et des jeunes en zone rurale au Burkina Faso par des stratégies d’entreprenariat agricole. L’idée est que les femmes et les jeunes puissent utiliser leurs temps libres pendant ou surtout après les travaux de la saison pluvieuse pour des activités entrepreneuriales. Il peut s’agir des activités de transformation alimentaire, du maraîchage et autres en fonction des ressources disponibles ou qui peuvent être mises à disposition.

Dans mon village par exemple, je vois souvent des gens qui sont intéressés par le maraîchage, mais il n’y a pas suffisamment d’eau pendant la saison sèche. Certains sont obligés de se déplacer vers des villages voisins, qui disposent de barrages et là aussi pour avoir l’espace c’est un véritable challenge. Dans l’optique de clarifier tout ce processus et d’identifier les pôles de recherches en lien avec cela, nous allons explorer les différentes possibilités, mener des entretiens avec les populations concernées avant de savoir concrètement ce qui pourrait être envisageable.

Aussi, il y a souvent des femmes par exemple qui ont déjà l’esprit d’entreprenariat, mais ne disposent pas suffisamment de temps pour leurs propres activités. C’est de voir aussi dans quelle mesure ces femmes pourraient aussi bénéficier de cette opportunité d’exercer leurs activités pour le bien de la famille et avoir une certaine autonomie financière.

Qu’est-ce que vous aimez mieux dans votre métier ?

Ce que j’aime dans mon métier, c’est la variété de projets auxquels je participe. Chaque jour apporte de nouveaux défis et opportunités, ce qui maintient mon travail stimulant et enrichissant. J’aime aussi le fait d’être à mesure de contribuer à l’atteinte des objectifs des projets auxquels j’ai été impliquée, ça rend fière quand on voit que le partenaire est satisfait de la qualité du travail.

De plus, travailler au sein d’une équipe collaborative et innovante contribue grandement à mon plaisir au travail. La plupart des endroits dans lesquels je suis passée, l’environnement était convivial et les gens sont prêts à m’écouter et aussi à partager ce qu’ils ont. Cela m’encourage à aller plus loin. Pour finir, mon métier me permet de participer à des travaux ayant des incidences tangibles et positives sur les problèmes réels de la vie quotidienne comme l’autonomisation des femmes, l’amélioration de l’accès des ménages ruraux aux services sociaux de bases, etc.

Avec des parents cultivateurs, est-ce qu’ils comprennent le choix de votre carrière professionnelle dans le domaine des statistiques ?

Mes parents m’accompagnent toujours même s’ils ne comprennent pas forcement ce que je fais. En revanche, ils comprennent l’importance de l’école. Je suis issue d’une très grande famille. Mes frères et sœurs me soutiennent également. Je fais une mention spéciale à mon grand frère Tandaogo Aboubacar, celui-là même qui s’est vraiment beaucoup sacrifié pour moi mais aussi pour toute la famille. Je voudrais à travers cette interview lui traduire toute ma gratitude.

Vous avez été lauréate d’un concours de rédaction à Abidjan. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

C’est un concours de rédaction d’articles sur des thématiques d’actualité qui met au défi tous les élèves de l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ENSEA) d’Abidjan qui désirent participer. Il est organisé par l’école et précisément le Club journal de l’ENSEA dénommé EcoStat. L’idée c’est de faire des recherches (pas forcément faire des modèles économétriques), en explorant au maximum des informations existantes dans la littérature et produire un article synthétique d’une dizaine de pages.

C’est une compétition, qui permet aux élèves de renforcer leurs capacités de rédaction et d’apprendre de nouvelles choses. En 2019, j’ai compéti sur la thématique "Révolution numérique et perspectives d’émergence des économies d’Afrique subsaharienne" et j’ai obtenu le trophée "deuxième meilleur rédacteur". En 2020, j’ai encore compéti, mais cette fois-ci sur le thème « L’Afrique face aux défis du changement climatique ». Pour cette édition, j’ai reçu le trophée du "meilleur rédacteur".

Qu’est-ce que ces prix vous ont apporté en termes de retombées ?

Ces prix ont eu un impact significatif sur ma carrière. Le deuxième par exemple m’a ouvert de nouvelles portes et m’a permis de collaborer avec des personnes dans le domaine de l’agriculture et des changements climatiques. Cela a attiré des opportunités professionnelles enrichissantes, notamment pendant mes candidatures au Young expert programmes et même au programme GRASP de AWARD. Puisqu’auparavant dans mes lectures, j’ai compris à quel point le secteur de l’agriculture en Afrique était menacé à cause des changements climatiques, c’est de la même qu’est née l’envie d’apprendre davantage sur ce secteur.

Quels sont vos ambitions à court ou moyen terme ?

Mon intérêt passionné pour le suivi-évaluation me pousse à approfondir mes compétences dans ce domaine. À court terme, mon objectif est de contribuer de manière significative au succès de notre organisation en appliquant mes compétences statistiques à des projets concrets de suivi-évaluation. À moyen terme, je cherche à occuper un poste de responsabilité dans le domaine du suivi-évaluation, tout en envisageant la possibilité de démarrer une activité liée à mes aspirations entrepreneuriales.

Ces aspirations, notamment en entrepreneuriat agricole chez les femmes et les jeunes en milieu rural, font partie de mon engagement envers le programme AWARD. Je travaille activement sur ces objectifs, bénéficiant du soutien et des conseils de mon mentor, Lydia Tapsoba Epse Zanzé, dont je connaissais le professionnalisme bien avant ma participation au programme AWARD. Ensemble, nous élaborons une feuille de route avec des objectifs clairs pour atteindre ces ambitions.

Quels conseils avez-vous à donner à vos jeunes frères et sœurs qui souhaiteraient emboiter vos pas ?

Je dirai à mes jeunes frères et sœurs qui désirent emboiter mes pas, qu’ils doivent poursuivre ce qui les passionnent le plus et être prêt à apprendre à tout moment, à surmonter les défis et à s’adapter en fonction du milieu dans lequel ils évoluent. Pour ce faire, ils doivent être déterminés vis-à-vis de leurs objectifs et parfois exprimer de la curiosité envers ce qu’il ne maîtrise pas, être audacieux pour pouvoir saisir les opportunités qui s’offriront à eux. Toujours remercier Dieu pour ce qu’on a et être reconnaissant envers les autres qui nous ont aidés. Au passage, j’aimerai dire merci à mes amis et collègues pour leur accompagnement permanent.

Il est aussi important de ne pas négliger l’anglais, car de nos jours, de nombreuses opportunités passent très souvent par l’anglais. J’en veux pour exemple mon intégration au programme YEP dont le processus s’est exclusivement déroulé en anglais. J’arrive aujourd’hui à me débrouiller dans la communication et à collaborer avec mes collègues anglophones. L’essentiel, c’est de te faire comprendre, on peut toujours se perfectionner avec le temps, pour ce qui concerne les fautes.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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