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Burkina/Éducation : Salamata Kaboré/Konaté, l’inébranlable “Madame 100%’’

jeudi 23 novembre 2023

« L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde », disait l’ex-président sud-africain, feu Nelson Mandela. C’est consciente de cette vérité absolue, qu’une femme s’est solennellement engagée à ne poursuivre qu’un seul objectif. Celui de garantir la réussite des élèves, dans un système éducatif en pleine réforme au Burkina Faso. Son approche particulière dans le partage du savoir et sa détermination sans faille ont porté ses fruits pour avoir cumulé des exploits tout au long de sa carrière professionnelle. “Madame 100%’’ ou “L’infatigable’’ sont les pseudonymes qui lui ont été attribués pour son acharnement au travail. La femme dont il est ici question se nomme Salamata Kaboré née Konaté, une enseignante lauréate du prestigieux Prix de l’excellence de l’éducation nationale. Portrait !

Nous sommes jeudi 16 novembre 2023. Il est 10h, c’est normalement l’heure de la pause. Mais les élèves de la classe du Cours moyen 2e année (CM2) de l’école primaire publique Tabtenga B, sont encore suspendus aux lèvres de leur enseignante. Soucieuse de la réussite des enfants dont elle a la responsabilité, Salamata Kaboré/Konaté reste focus sur son objectif : obtenir 100% d’admis au Certificat d’études primaires (CEP) de la session 2024.

Sur le tableau noir, large de plus de deux mètres, est inscrit un problème à résoudre. Les élèves sont pratiquement tous motivés et réagissent promptement aux questions que leur pose madame Kaboré. Sa capacité originelle à susciter l’engouement et l’amour de l’apprentissage chez les enfants est impressionnante. Après 28 ans de carrière professionnelle, Salamata Kaboré enseigne toujours avec le même zèle. Elle a su développer au fil des ans, des astuces intrinsèques qui marchent à tous les coups.

Salamata Kaboré en pleine séance de cours avec ses élèves de CM2 de l’école primaire publique Tabtenga B

L’astuce de Salamata

« Après avoir soumis mes élèves à un exercice, je le corrige. Puis, je fais un tri des copies qui n’ont pas obtenu la moyenne. J’explique à nouveau les concepts incompris par les élèves, en m’appuyant sur leurs erreurs commises lors du devoir. Je fais ensuite reprendre le même exercice aux élèves qui sont restés en deçà de la moyenne. À cette étape, je sélectionne les copies de ceux ayant davantage du mal à assimiler les notions enseignées. Dès cet instant, je mets tous les autres hors de la classe pour me retrouver uniquement qu’avec ces élèves », dévoile Salamata Kaboré.
Parmi ses prouesses, l’on retient celle réalisée de 2005 à 2011. En cette période, Salamata réussit l’exploit de réaliser un taux de 100% de succès au CEP et au concours d’entrée en classe de 6e. La promotion concernée, est celle qu’a conduite Salamata Kaboré avec brio depuis le Cours préparatoire 1re année (CP1) de l’école primaire Trame d’accueil, à Ouagadougou.

Le plafond de la classe où intervient Salamata Kaboré/Konaté, directrice de l’école primaire publique Tabtenga B

Ce travail minutieux qu’abat au quotidien cette enseignante, avec dévouement et dévotion, peut être perçu comme un sacrifice fondé sur l’amour, la bienveillance et l’instinct maternel qu’elle porte à l’égard de ces enfants. L’une des anecdotes dont elle se souvient parfaitement est celle de son élève Wend Denda.

L’anecdote sur l’élève Wend Denda

« L’anecdote qui me vient à l’esprit, est celle vécue dans la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Tanghin-Dassouri. C’était précisément à l’école primaire Dayoubsi, relevant de la commune rurale de Komsilga, à l’époque où je tenais la classe du CP1. L’une de mes élèves était très renfermée. C’est après plusieurs tentatives d’approche qu’elle s’est finalement ouverte. J’ai compris que c’était une orpheline qui souffrait beaucoup, notamment de la faim. Dès lors, je lui envoyais de quoi se nourrir chaque fois que je me rendais à l’école. L’enfant est devenue très brillante. Wend Danda était ma source de motivation même quand j’étais souffrante et que je devrais rester à la maison. Rien que le fait de savoir que mon absence la priverait de nourriture, constituait pour moi un poids sur le cœur. Je parcourais ainsi chaque jour 50 km en aller-retour entre Ouagadougou et Komsilga pour m’assurer que Wend Denda ne soit pas affamée », a relaté Salamata avec une envie toute particulière de revoir sa protégée.

Ces actes empreints de compassion et de générosité, lui ont permis d’engranger des résultats forts intéressants durant plusieurs années. Telle une étoile filante qui trace sa trajectoire dans le ciel, le parcours de Salamata est tout aussi remarquable. Depuis 1995, de la région du Nord au Centre-nord, jusqu’à la région du Centre, Salamata s’est attelée à travailler d’arrache-pied pour aujourd’hui voir tous ses efforts consentis, être couronnés par les plus hautes autorités.

L’attestation de reconnaissance de Salamata Kaboré/Konaté, désignée meilleure enseignante du primaire de l’année 2023

Cette année 2023, le prestigieux Prix de l’excellence de l’éducation nationale lui a été décerné pour ses performances professionnelles. Bien avant cette distinction, Salamata a reçu successivement depuis 2008 des attestations de reconnaissance et de félicitation de la part de sa hiérarchie, des autorités municipales, de l’Assemblée nationale et de bien d’autres acteurs de l’éducation.

Une véritable leader

Directrice émérite, Salamata incarne la quintessence de l’éducation, guidant avec passion et fermeté le destin académique de ses élèves. Plusieurs rendent témoignage de ses bonnes œuvres, à l’instar de Thomas Gansonré, président de l’Association des parents d’élèves (APE) de l’école primaire Tabtenga B.

« En cas d’échec, le nombre ne dépasse pas un élève. C’est pourquoi nous l’avons surnommée “Madame 100%’’ », Thomas Gansonré, président APE de l’école primaire Tabtenga B

« Je suis très satisfait de madame Kaboré. Parce ce que nous avons des résultats exceptionnels depuis son arrivée. Nous enregistrons pratiquement chaque fois un taux de succès de 100%. Nous sommes donc comblés. Nous lui avons proposé de mettre un plafond à son bureau, mais elle a plutôt préféré que nous nous consacrions à offrir de meilleures conditions d’apprentissage aux élèves. Car en tant que parents d’élèves ce que nous recherchons, c’est la réussite des enfants. Nul n’est parfait mais madame Kaboré est au-dessus de la moyenne si l’on devait lui attribuer une note. Je lui souhaite longue vie et une santé de fer pour qu’elle puisse continuer à guider nos enfants avec succès », a soutenu monsieur Gansonré.

Dans la cour de l’école, les marchandes chez qui vont s’approvisionner les élèves pendant la récréation, sont toutes unanimes sur la détermination et l’engagement avec lesquels Salamata Kaboré exerce sa profession. Ses collègues sont tout aussi admiratifs du leadership dont elle fait montre.

« C’est une dame qui aime travailler. Elle aime son métier et forme également ses collègues. Représentant un modèle exemplaire à nos yeux, nous aimerions emboîter aussi ses pas. Car elle est toujours disponible pour ses élèves, même pendant les week-ends », a attesté Salamata Kaboré/Koanda, institutrice de la classe de CM1 à l’école primaire Tabtenga B.

« Lorsque nous soumettons nos difficultés à madame Kaboré, elles sont rapidement résolues », Salamata Kaboré/Koanda, institutrice de la classe de CM1 à l’école primaire Tabtenga B

Le sens de la responsabilité

Salamata Kaboré/Konaté a fait ses études primaires à l’école Bangré, devenue le complexe scolaire Bangré Yiguia, à Ouagadougou. Elle est affectée après son admission au CEP, au lycée national des Jeunes filles, l’actuel lycée Nelson Mandela, où elle décroche son BAC série A en 1992. Elle poursuit son cursus en lettres modernes à l’université de Ouagadougou, qui deviendra plus tard l’université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ).

Elle valide sa première année universitaire avec succès. En deuxième année, elle prend l’initiative de participer au concours de l’École nationale des enseignants du primaire (ENEP) et est retenue parmi les admis. La même année, la filière Art et communication s’ouvre pour la première fois au sein de l’université de Ouagadougou. Ce qui est l’occasion pour elle de réaliser son rêve de devenir journaliste. Elle passe donc le concours et est admise. Mais les réalités de la vie la contraignent à plutôt prendre la voie de l’enseignement. Salamata devait faire face aux responsabilités qui s’imposaient à elle, en tant que jeune mère.

« Madame Kaboré met tout son cœur dans ce qu’elle fait, elle s’y donne à fond […] », Moïse Moyenga, instituteur de la classe de CE2 à l’école primaire Tabtenga B

Une beauté naturelle

Au-delà de son brillant parcours professionnel, Madame Kaboré se distingue par sa présence imposante et son charisme indéniable. Née le 7 juin 1973 à Ouagadougou, Salamata mesure 1,67m. Son teint noir ciré et sa coiffure à la garçonne ajoutent une touche d’élégance à sa prestance naturelle.

En tant qu’épouse et mère dévouée de quatre enfants, Salamata Kaboré jongle avec brio entre sa vie familiale et sa carrière professionnelle. Son amour pour la danse révèle une facette passionnée de sa personnalité, dévoilant l’énergie et la créativité qui l’animent. C’est une femme qui trouve l’harmonie entre l’autorité nécessaire dans son rôle éducatif et la chaleur maternelle qu’elle dispense à ses propres enfants.
Parlant des défauts de Salamata Kaboré/Konaté, ses proches et collaborateurs relèvent sa confiance aveugle, parfois perçue comme de la naïveté. Il est aussi souligné sa rigueur et son exigence, parfois interprétées comme de l’intolérance dans la quête des résultats escomptés.

La meilleure des belles-filles

Pour Jacqueline Marie Hortense Kaboré, la belle-mère de Salamata, Salamata est la meilleure de ses belles-filles. C’est une grande dame !, souligne-t-elle. « Elle a organisé pas mal de choses pour réunir le village. Elle entreprend aussi des initiatives en faveur de l’éducation des jeunes filles. Salamata œuvre aussi dans le social en marquant sa présence dans les évènements heureux comme malheureux qui touchent son entourage », témoigne-t-elle.

« Salamata encadre gratuitement tous les soirs certains enfants du quartier », Jacqueline Marie Hortense Kaboré, la belle-mère de Salamata

Sur le plan culinaire, son goût prononcé pour le riz à la sauce arachide révèle une certaine simplicité et une connexion avec ses racines. C’est à travers ce plat, riche en saveurs et en traditions, que Salamata puise l’énergie nécessaire pour mener à bien ses missions éducatives.

Cependant, au-delà de sa bienveillance et de son amour pour l’enseignement, Madame Kaboré déteste l’hypocrisie, une aversion qui témoigne de sa franchise et de son intégrité. Elle incarne ainsi les valeurs qui guident son parcours, mettant en lumière l’importance de l’authenticité dans toutes les sphères de sa vie.

Le cri du cœur de Salamata

Par ailleurs, les difficultés constatées, faut-il le noter, sont une insuffisance des tables-bancs et une détérioration du plafond dans pratiquement l’ensemble des classes. « Il est vrai que l’État fait déjà beaucoup d’efforts. Mais il reste encore à faire. Nos classes sont délabrées et les tables-bancs sont en nombre insuffisant. Ici encore ça va ! Mais dans certaines écoles de la ville, vous trouverez des enfants assis à même le sol. Si les écoles de la capitale connaissent ces difficultés, je me demande quelle est la situation de celles des provinces ? », a indiqué Salamata Kaboré/Konaté, directrice de l’école Tabtenga B.

Elle recommande alors de meilleures conditions d’études au profit des élèves et des enseignants, en vue de favoriser davantage le succès des apprenants. Aujourd’hui, le rêve de Salamata est d’archiver toutes les astuces qu’elle a bien pu développer, pour partager ses près de 30 ans d’expériences avec les générations d’enseignants à venir. Le cri du cœur de Salamata à l’endroit des autorités, est celui de tenir compte du binôme de l’enseignant à distinguer.

Car, précise-t-elle, il y a de plus en plus, deux enseignants par classe, et ne récompenser que l’un d’entre eux peut engendrer de la frustration et un manque de motivation chez celui ayant été mis en marge.
Enfin, l’on retient de Salamata, une enseignante perspicace, qui par sa passion, son professionnalisme et son intégrité, laisse une empreinte indélébile dans le cœur de chaque élève qu’elle guide vers l’éclat de la connaissance.

Lire aussi : Burkina/Journée mondiale de l’enseignant 2023 : 283 enseignants distingués pour leur travail

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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