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8-Mars 2023 : Evrad Ilboudo, la femme qui vit son rêve de conductrice de bus

mercredi 8 mars 2023

Plus qu’une quête du pain quotidien, exercer le métier de conductrice de bus est, pour Evrad Ilboudo, une vocation, un appel et une passion. C’est en effet depuis sa tendre enfance qu’elle nourrit ce rêve devenu réalité. Déjà toute petite, Evrad Ilboudo voyait grand : conduire de gros engins. Ce jeudi 2 mars 2023, une équipe de Lefaso.net a embarqué à bord du bus conduit par cette femme combative de 39 ans.

Assise sur un banc en compagnie de ses collègues, Evrad Ilboudo attend comme d’habitude de relayer l’un d’entre eux qui parcourent comme elle la ligne de bus « N°4 barré » de la Société de transport en commun de Ouagadougou (Sotraco). Nous sommes en face du Mémorial Thomas-Sankara, en plein midi, dans la capitale burkinabè. C’est là qu’Evrad nous a donné rendez-vous, pour nous plonger dans son quotidien.

A l’ombre des arbres, nous attendons qu’arrive l’autobus que doit conduire Evrad toute l’après-midi jusqu’au soir. Il est 12h passées de 20 minutes lorsque le bus stationne. Evrad s’approche de l’engin, et prend le soin de l’inspecter.

Une femme dynamique

La conductrice vérifie en premier lieu le compartiment du moteur, avant de jeter un œil sur les pneus, les phares et les rétroviseurs. Pendant ce temps, les élèves, les étudiants et tous ceux qui veulent emprunter le bus patientent encore. Certains debout, d’autres assis à même le sol, sur des pagnes étalés...

Vêtue d’une chemise orange et d’un pantalon noir, lunettes aux yeux et paire de baskets aux pieds, Evrad s’installe dans le fauteuil de conducteur avec son sac en bandoulière. Pour emprunter le bus comme passager, le montant à payer est de 200 F CFA, nous apprend-elle. Les personnes qui possèdent une carte d’abonnement sont priées de la présenter dès leur entrée, avant de prendre place à l’intérieur.

« Mon itinéraire part du Mémorial Thomas-Sankara à Zagtouli [ndlr : à la sortie de Ouagadougou, sur la route nationale N°1] », informe la conductrice. Le bus en marche, nous quittons le mémorial pour la Place Naaba-Koom, en passant par la clinique Philadelphie et le rond-point des Nations unies.

La détermination dans le sang

Les difficultés pour Evrad Ilboudo ne sont pas insurmontables, et elle en parle avec humour. « Même pour manger le tô, ce n’est pas facile ! Le travail est facile et difficile à la fois », fait-elle savoir. Elle explique qu’il faut souvent faire usage de force dans la manœuvre du bus, chose qui n’est pas une mince affaire au regard de l’énergie que cela demande. Cependant, avec le sourire, Evrad poursuit en affirmant que le bus est son premier mari et qu’il suffit de le « flatter » pour qu’il lui obéisse et l’emmène où elle veut.

Bien avant d’être machiniste à la Sotraco, Evrad s’est fait la main en conduisant des dumpers et des niveleuses. C’est donc son amour pour les gros engins qui l’a attirée dans cette profession. A cause de son habillement, de son physique et de sa coiffure, certains usagers du bus la prennent souvent pour un homme, et lui lancent « Bonjour, monsieur ! ». La conductrice n’hésite pas à rétorquer gentiment : « Je suis une femme ! ».

Une femme appréciée pour sens du travail bien fait

Tout au long du parcours, c’est une conductrice sympathique et pleine de vibrations positives que nous découvrons. « Je la trouve courageuse et combattante, vu qu’elle se bat et nourrit sa famille grâce à ce travail », estime Bibata Barry, étudiante en première année de médecine à l’université Joseph-Ki-Zerbo.

Un avis que partage Seydou Traoré, élève en génie civil au Lycée technique national Aboubacar-Sangoulé-Lamizana. « Franchement dit, elle s’applique dans son travail et le prend vraiment au sérieux », témoigne cet habitué de la ligne N°4 barré.
Si sa camarade Yasmine Ouédraogo est aussi satisfaite du professionnalisme d’Evrad Ilboudo, elle demande cependant à la Sotraco d’augmenter le nombre de ses bus.

Ouverte d’esprit, Evrad Ilboudo entretient de bonnes relations avec ses collègues et son entourage « Nous rendons grâce à Dieu pour cette bonne relation professionnelle que nous entretenons avec elle. C’est une femme qui a un caractère positif. Toute chose qui fait que nous nous entendons à merveille », confie Elshadaï Delma, machiniste à la Sotraco.

L’itinéraire qu’emprunte habituellement Evrad change légèrement ce jour-là, en raison de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) qui battait son plein dans la capitale. Au lieu donc de passer devant le siège du Fespaco, Evrad prend le chemin du quartier Larlé, avant de rejoindre le quartier Gounghin pour continuer jusqu’à Zagtouli.

Il est 13h30 lorsque nous arrivons au terminus du bus. Le “capitaine’’ Evrad descend du “navire’’ pour se désaltérer. Aussitôt son sachet d’eau vidé, elle reprend le volant pour faire le chemin inverse.

Le message d’Evrad à l’occasion du 8-Mars

Evrad effectue ainsi ce trajet une dizaine de fois avant d’aller stationner le bus au siège de la Sotraco situé au quartier Kossodo. Elle descend souvent du service entre 22h et 23h, après avoir accompli toutes les tâches qui lui sont confiées.

Concernant la célébration de la journée internationale de la femme, Evrad Ilboudo estime que c’est l’occasion pour la gent féminine de « jeter un coup d’œil dans le rétroviseur » afin de colmater les brèches pour repartir du bon pied. En plus d’être un temps de partage d’idées entre femmes dans la convivialité, le 8-Mars représente le moment propice, selon elle, pour recadrer les choses, histoire de dresser le bilan de l’année écoulée pour se projeter dans le futur avec de bonnes perspectives.

Née le 14 août 1983, Evrad est mère célibataire d’un enfant. Elle aime pratiquer le sport, en l’occurrence le footing. Sa simplicité est l’un de ses atouts, notamment en matière de nourriture. Elle dit ne pas avoir de préférence pour un quelconque repas, pourvu qu’il soit mangeable.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

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