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Norah Kafando, coach de vie : « Mon tout premier challenge était de trouver ma voie »

jeudi 13 avril 2023

Malgré des progrès et certains acquis arrachés de haute lutte par la gente féminine, les défis restent entiers dans notre pays où les conditions de la femme laissent à désirer. Par des actions créatrices et innovantes, des jeunes femmes tentent d’inverser la tendance. Norah Kafando fait partie de cette génération montante. A travers cette interview, elle nous parle de sa carrière, décrit sa perspective pour une véritable émancipation de la femme. Née le 10 décembre 1974, cette mère de quatre enfants est responsable du cabinet Afrique intelligence plus (un cabinet de consultance, conseiller en investissement coaching et formation), conseillère en ressources humaines, leadership féminin, leadership des jeunes et coach de vie.

Lefaso.net : Parlez-nous de votre parcours scolaire et professionnel …

Norah Kafando : En termes de parcours scolaire et universitaire, j’ai étudié entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la France et aussi au Canada. J’ai fait des études de psychologie à l’université de Ouagadougou. Ensuite j’ai obtenu une bourse d’excellence de la coopération canadienne où j’étais la seule Burkinabè retenue pour aller étudier les relations industrielles au Canada. Ensuite, je me suis formée au métier de consultant et de coach. Au niveau professionnel, j’ai eu à travailler dans divers domaines. J’ai travaillé dans une ONG internationale et humanitaire, dans une banque où j’étais responsable du capital humain, dans une multinationale agroalimentaire. Aussi j’ai été dans un cabinet de consultant et puis, aujourd’hui, je suis à mon propre compte.

D’où vous vient cette rage de vous battre pour la cause de la femme ?

Je me rends compte que c’est arrivé à la suite de mon expérience dans le cinéma que j’ai eu en jouant le rôle de l’actrice principale dans le film « Le fauteuil » de Missa Hébié. Ce film abordait des thèmes comme la corruption et parlait surtout des combats de la femme intellectuelle. Mais ayant joué le rôle de l’actrice principale, j’étais approchée par beaucoup de femmes intellectuelles et aussi des femmes peut être moins informées qui n’ont forcément pas fait l’école.

Elles m’ont approché en off pour me dire que c’était les réalités qu’elles vivaient. A partir de ce moment, tout a changé. Avec ce film, j’étais ainsi identifiée comme un modèle de leadership et de réussite professionnelle. Et je crois que ce sont des choses qui m’ont marqué jour après jour, d’où ce combat pour la femme.

Parlez-nous de vos challenges au cours de votre parcours de femme…

Je crois que ce premier challenge que j’ai eu c’est de trouver ma voie, parce que nous sommes dans une société où on doit être presque tous pareils. Surtout se conformer à ce monde ou on se forme ou non, on se marie, on fait des enfants et on se débrouille. Pourtant, moi je voulais tellement être différente… L’idée d’être différente, l’envie d’être moi-même m’ont amené à être différente des autres. Tout le monde me disait, il faut te ranger, jusqu’à ce que je sente que j’étais vraiment à côté de ma vie. Comme on aime le dire, je voulais vivre une vie mais je savais que ce n’était pas la mienne.

Alors j’ai décidé de me prendre en main et de m’assumer, de comprendre mes choix, de comprendre mes aspirations et de m’y engager donc ça c’était le premier challenge. Après évidemment il y a tous les autres challenges liés aux clichés qui sont liés aux femmes. Je suis ce qu’on peut appeler une femme qui a de la personnalité, du caractère et ça peut être mal pris dans notre société car c’est vu comme étant une femme difficile, compliquée. Pourtant c’est loin d’être la réalité. Moi je trouvais cela assez simple, mais les autres ne voyais pas la même chose que moi. C’était l’un des challenges liés à ma personnalité.

Durant votre parcours, quel projet ou quelle activité a le plus marqué votre vie ?

« Parlons-nous entre femmes » lors de la deuxième édition, est l’activité qui m’a le plus marqué. Au départ l’idée, c’était de rassembler des femmes pour parler d’un sujet qu’on aborde pas habituellement comme le sujet des blessures émotionnelles. Il y a deux ans quand on organisait cela, il y avait tellement de charge émotionnelle ce jour-là dans la salle, les femmes qui ont découvert beaucoup de blessures dans lesquelles elles pataugeaient depuis des années et qui ont décidé de se prendre en main. Quand j’ai vu cet impact, ça m’a profondément touché. Une femme a témoigné avoir voulu se suicider mais après avoir vu l’affiche de notre activité, elle s’est donnée une seconde chance.

Vous avez travaillé dans le cinéma, vous aviez évoqué votre rôle dans le film « Le fauteuil ». Parlez-nous un peu plus de votre expérience dans le 7e art…

Je peux dire que c’est une expérience que j’ai eue pour un moment. Je travaillais dans une ONG internationale humanitaire et Missa Hébié, paix à son âme, m’a appelé. Il s’est présenté et m’a dit : « j’ai un rôle pour vous ». J’ai éclaté de rire. Et je me disais peut-être comme ce sont les gens du cinéma, il rigole et tout. Et il me dit non effectivement « j’ai un rôle pour vous. » Et je dis bon c’est pas mon truc je m’y connais pas du tout.

Il m’a dit : « ne décidez rien je vous envoie le scénario, vous allez le lire et puis je vous suggère de passer parce qu’on fait des castings. Vous allez regarder un peu le monde, ensuite vous allez décider ». Je me rappelle en avoir parlé à ma patronne. Elle m’a dit tout suite, « c’est waouh vas-y ! ». Finalement j’ouvre le scénario et je commence à le lire. Dès les premières phrases, je referme et j’appelle Missa Hébié : vraiment, vous vous êtes trompé, ce n’est pas mon style. Tout simplement parce que ça commençait par une scène où il y a une dame qui venait s’asseoir sur le pied du patron et puis ils étaient dans des ébats amoureux, se touchaient et tout ça donc moi j’ai compris que c’était ce rôle-là. Donc je dis non ce n’est pas mon genre.

Et il m’a dit « est ce que vous avez tout lu ? SVP lisez tout. » Ensuite je lis tout et je suis émerveillé par ce scénario. Parce que bizarrement je me retrouve dans cette femme. Donc, c’est comme cela que c’est parti. Par la suite, j’ai rencontré un monde que je ne connaissais pas. Ce fut une expérience extraordinaire. Le film « Le fauteuil » en 2009 de Missa Hébié a eu tellement de succès… Au Maroc, j’ai eu un prix. Et puis j’ai été appelée pour la série Affaires publiques pour jouer le rôle de l’actrice principale mais avec le travail je ne pouvais pas. Dans mon passage dans le cinéma, j’ai également eu un prix au festival du cinéma « Ecrans noirs » au Cameroun.

Quelle lecture faites-vous de l’avenir de la femme africaine en général et de la femme burkinabè en particulier face aux difficultés des femmes à exercer certains métiers ?

Aujourd’hui, la plupart des métiers sont ouverts aux femmes. Il n’y a pas réellement des métiers interdits aux femmes en tant que tel. Par contre dans certains pays, les femmes n’ont plus droit d’aller à l’université. La grâce que nous avons en Afrique, c’est qu’il n’y a pas des législations qui interdisent certains métiers.
Par contre on peut revenir encore sur le concept des pesanteurs sociales qui font que pour accéder à certains métiers, c’est compliqué. J’ai reçu il y a peu de temps en séance de coaching une dame exerçant un métier dit masculin. Elle subissait de grosses pressions de sa famille.

Donc je veux dire qu’il y a le côté pesanteurs, mais il s’agit pour les femmes d’assumer leurs choix. Parce qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser les œufs. Parfois les gens me trouvent un peu tranchante mais ils oublient qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Et ce qu’il faut tirer comme leçon de la vie, c’est que même les gens ne peuvent pas croire tout de suite en vous et en votre rêve : c’est à vous d’apporter les preuves de votre sérieux et de votre expertise. Et au fur et à mesure que vous avancerez. Les gens autour de vous seront convaincus. Donc je dirai que l’avenir de la femme africaine en particulier burkinabè pour moi, il est radieux.

Vous avez surement une anecdote en rapport avec vos activés ?

Sur le cheminement de la connaissance de soi, le regard des autres est important. Je n’ai pas dit qu’il est primordial mais il est important, et pas le regard de n’importe qui. Je parle des gens qui vous connaissent. Dans un moment de ma vie où je me posais trop de questions, mon père m’a dit comme ça brusquement « tu me fais penser à Michelle Obama. Ton intelligence, ton charisme, ta beauté intérieure et extérieure, ton expertise me font penser à cette femme ». Et entendre cela venant de mon papa, je me sentais pousser des ailes.

Quels conseils avez-vous à donner à cette jeunesse surtout à la gent féminine et à toutes celles qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Le premier conseil que je pourrais donner c’est de tout faire pour être la meilleure dans ce qu’on fait. L’expertise, c’est important, la maîtrise d’un domaine c’est important. Malheureusement, beaucoup se lancent dans l’entrepreneuriat avec un savoir moyen, une connaissance ou expertise moyenne. Et moi j’ai fait cette erreur il y a plus de douze ans. J’avais de l’expérience, mais je n’étais pas au niveau de l’expertise de ce que je faisais.

Dans l’entreprenariat, il faut être le meilleur dans ce qu’on fait. Déjà au niveau de ce que vous offrez, il faut le maîtriser. Deuxième conseil, il faut se former. On ne naît pas entrepreneur mais on peut devenir un excellent entrepreneur. Troisièmement, il faut s’armer de courage, afin de braver sa peur. Il faut surtout être persévérant. Savoir ce qu’on veut réellement et vivre son rêve. Cela doit être votre force.

Quels sont vos projets ?

Une vie ne suffirait pas pour parler de mes projets. Alors mes projets immédiats sont d’institutionnaliser cette plateforme « Parlons-nous entre femmes ». On voudrait que ça se passe deux fois dans l’année. On veut pouvoir institutionnaliser cela et permettre à ce que plus de femmes y participent et que les retombées soient encore plus grandes. J’ai l’ambition aussi de continuer le travail que je fais au niveau de la jeunesse, les accompagner dans leur insertion professionnelle. Et puis évidement l’expansion de mon cabinet. Et je termine en disant ça ne fait que commencer.

Propos recueillis par Marina Ouédraogo
Lefaso.net

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