lundi 22 juillet 2024
Depuis toujours, Bointoenewendé Françoise Sedogo a su qu’elle était destinée à un chemin différent de celui des bureaux. Animée par une passion pour l’art, elle s’est orientée vers le cinéma, une industrie où elle a pu s’exprimer pleinement. Après avoir été sélectionnée lors de son premier casting, elle s’est rapidement orientée vers le maquillage, trouvant ainsi sa véritable vocation. Son parcours dans le maquillage débute en 2012. Avec détermination et autodidaxie, Françoise perfectionne ses compétences à travers des recherches et des formations, surmontant les défis imposés par le maquillage de cinéma, bien plus complexe que le simple embellissement. Aujourd’hui, elle transmet son savoir et son expérience à de jeunes filles mères, afin de leur donner une chance de se former et de se réaliser dans un métier artistique.
Lefaso.net : Comment avez-vous découvert votre passion pour le maquillage ?
Bointoenewendé Françoise Sedogo : Depuis ma tendre enfance, je savais déjà que je n’étais pas faite pour travailler dans un bureau. Et de plus, j’étais passionnée par l’art donc par la suite j’ai voulu intégrer le milieu du cinéma. Une fois que j’ai participé au premier casting, j’ai été retenue et, par la suite, je me suis dit pourquoi ne pas me former dans un métier du cinéma pour pouvoir vivre vraiment ma passion ? C’est ce qui m’a amenée dans le maquillage.
Pouvez-vous nous parler de vos premières expériences dans ce domaine ?
Après le jeu d’acteur, j’ai approché une aînée, Odette Bayala, qui n’a pas hésité à me tendre la main donc j’ai commencé à ses côtés en 2012 en tant qu’assistante maquilleuse. Par la suite, j’ai enchaîné les plateaux et je me suis aussi formée au fil du temps. En allant sur le premier plateau, je ne peux pas dire que j’avais déjà reçu une formation mais j’aimais me maquiller, j’essayais à la maison donc c’était une formation pour moi. Mais au fil des années, je me suis formée en faisant aussi des recherches sur le net sur les différents types de maquillage. Les difficultés au début, c’était de pouvoir suivre et répondre à la description du scénario et aux attentes du réalisateur car au cinéma, le maquillage ne consiste pas juste à embellir le visage, mais c’est aussi suivre la description du scénario, donc c’était un défi à relever.
Quelles sont les principales étapes de votre carrière de maquilleuse ?
J’ai commencé mes formations en maquillage par la base qui est le maquillage beauté. Je me suis auto formée en maquillage beauté si je peux le dire et par la suite je me suis formée en maquillage cinéma qui n’a rien à voir avec le maquillage beauté. Ensuite j’ai continué avec le maquillage artistique, puis maquillage tribal. Je suis également partie en Belgique pour me former en effets spéciaux.
Avez-vous reçu des distinctions au cours de votre parcours ?
Des trophées j’en ai reçu pas mal. Nous pouvons citer, entre autres, le prix de la femme battante artiste de l’Afrique de l’Ouest décerné par Africa mousso, le prix de la meilleure chef maquilleuse d’Afrique décerné par Africa make-up week à Yaoundé au Cameroun, le prix de la meilleure chef maquilleuse décerné par les 12 PCA, le trophée de la maquilleuse des stars à la nuit des stars, le trophée de la femme cinéaste de l’année, le trophée Poug-gandaogo et le trophée de la révélation africaine.
Vous organisez souvent des formations gratuites en faveur des filles. Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager pour l’autonomisation des filles ?
Il faut dire que moi aussi je suis une fille-mère qui a su se battre pour se frayer un chemin. Il y en a qui n’ont pas cette opportunité de soutien donc cela m’a interpelé. Je connais beaucoup de filles-mères qui viennent pour se former mais qui n’ont pas les moyens. C’est ce qui m’a donc amené à lancer le SOS pour la formation des filles-mères.
Combien de filles ont déjà bénéficié de vos formations et quelles sont les formations gratuites que vous avez eu à offrir ?
Ce sont au total 53 filles-mères qui ont suivi les formations gratuites. Nous avons d’abord commencé par la formation de base qui est le maquillage cinéma, beauté et artistique. Et ensuite, il y a eu des formations en saponification. Il y a d’autres également qui ont suivi : des formations en fabrication de coiffes et éventails.
Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face dans votre mission d’autonomisation des filles ?
Il y a des difficultés que nous rencontrons. Par exemple pour la formation en maquillage, je n’ai pas eu le temps de faire le tour pour vérifier si réellement les candidates répondaient aux critères car il fallait être fille-mère et aussi manquer de moyens pour pouvoir s’occuper de l’enfant. Mais lorsque nous avons lancé la formation, j’étais surprise de voir que d’autres tenaient des IPhone et certaines venaient sur des motos scooter et, à côté, il y avait d’autres qui marchaient. Il y en a eu qui quittait Tampouy chaque matin à pieds pour venir et il y a d’autres aussi qui pédalaient un vélo pour venir. Si j’avais eu le temps de leur rendre visite individuellement, j’allais constater si elles méritaient réellement leur place pour la formation, mais nous apprenons toujours de nos erreurs.
Y a-t-il un suivi après les formations ?
Oui, après les formations, il y a un suivi. Il y a d’autres même que j’appelle pour qu’elles travaillent avec moi sur des plateaux de tournage. En tout cas, celles qui sont assidues au travail et qui s’exercent toujours, j’essaie de leur trouver un plateau pour qu’elles puissent s’exprimer et pouvoir garder la main. Il y a d’autres qui baissent les bras car elles n’ont pas de gens à maquiller, alors que le maquillage est un métier qui demande de la constance car si tu le lâches, il te lâche aussi. Nous comptons organiser une formation en fabrication de pagne koko-donda et autres d’ici décembre.
Travaillez-vous en collaboration avec d’autres organisations ou institutions pour vos projets d’autonomisation ? Si oui, lesquelles ?
Il n’y a pas mal de personnes qui contribuent, notamment l’association Maalg-Zaka pour le bien-être de la femme et de la jeune fille. Hormis cette association, il y a le ministère de la Jeunesse qui nous a aidés avec la salle. Il y a eu aussi les médias qui nous aident en relayant les informations.
Quelles sont vos ambitions pour l’avenir de votre carrière de maquilleuse ?
Smarty dit de ne pas parler de ses projets mais vous, vous m’amenez à parler de mes projets. Comme ambition, je pense à créer une école de maquillage et aussi une marque de produits. C’est surtout assurer la relève pour que demain, on dise qu’il y a plusieurs maquilleurs et maquilleuses professionnels de cinéma au Burkina qui ont été formés par Bointoenewendé Françoise Sedogo. Cela sera ma plus grande satisfaction.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui souhaitent se lancer dans le maquillage ?
C’est déjà d’aimer le maquillage car lorsqu’on aime un métier, on se donne les moyens pour l’apprendre et s’exercer. Mais si tu viens dans le domaine du maquillage par défaut parce que tu n’as pas d’autres portes de sortie, tu ne peux pas exceller car cela demande beaucoup d’énergie. Par exemple le maquillage cinéma, il faut beaucoup lire, calculer, il y a beaucoup de choses qui n’ont rien avoir avec l’embellissement du visage qui entrent en jeu. Donc il faut vraiment aimer avant de venir se faire former.
Hanifa Koussoubé
Lefaso.net