lundi 30 septembre 2024
De ses débuts modestes sur les terrains de Ouahigouya à son ascension en tant que capitaine de l’équipe nationale féminine de volleyball du Burkina Faso, Aminata Diallo incarne persévérance et passion. Dans cet entretien réalisé le jeudi 19 septembre 2024, la sociétaire de l’AS SONABEL, qui est également policière de profession et mère d’un jeune garçon, revient sur ses premières inspirations, ses titres, les défis rencontrés en tant que capitaine, et ses aspirations pour l’avenir.
Lefaso.net : Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans le volleyball ? Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce sport ?
Aminata Diallo : J’ai commencé le volleyball en 2006, à partir de la classe de 6e. C’était un mardi et à notre sortie de classe, pendant que nous étions en train de discuter entre nous en groupe, il y a un monsieur du nom de Beloum Souleymane qui est venu à moto vers nous. Il s’est présenté comme étant un professeur d’éducation physique et sportive et entraîneur de volleyball. C’est lui qui nous en a appris ce sport. Etant au lycée Yamwaya de Ouahigouya, les mardis et les jeudis soirs étaient uniquement réservés pour le sport. Comme nous étions un mardi, il a directement ouvert une liste pour que ceux qui étaient intéressés par le volleyball puissent y inscrire leurs noms. Le même jour à 16 heures, nous nous sommes retrouvés sur le plateau. Nous avons été nombreux à nous inscrire. Le terrain était vraiment inondé de monde et c’est de là que tout est parti. Malgré le retrait à mi-chemin de la plupart d’entre nous, moi j’ai continué. A chaque fois quand j’étais à la maison, j’attendais avec impatience les mardis et les jeudis pour pouvoir aller m’entraîner sur le terrain.
Y a-t-il des personnes ou des figures qui vous ont inspirée dans votre parcours sportif ?
A mes débuts, il y avait une de nos grandes sœurs du nom de Diane Ouédraogo qui m’inspirait beaucoup. Pendant les matchs ou les entraînements, les gens n’avaient que son nom à la bouche. Elle jouait comme un garçon et sa manière de jouer inspirait à jouer au volleyball. A Ouahigouya, les gens ne parlaient que d’elle. C’est de là que je suis allée dire à mon entraîneur que je veux jouer comme Diane Ouédraogo et même faire mieux qu’elle.
Est-ce qu’aujourd’hui vous pouvez dire que vous avez atteint le niveau de Diane Ouédraogo ?
Je dirais même que je l’ai dépassée parce qu’elle a raccroché sans avoir eu les titres que j’ai à mon actif. Mon objectif est donc à moitié atteint parce que je compte obtenir d’autres titres.
Comment avez-vous intégré l’équipe nationale féminine de volleyball ?
Après le lycée Yamwaya, j’ai rejoint le lycée Yadéga avec Ben Hamed Barro qui était mon entraîneur. Pendant les compétitions de l’Union des sports scolaires et universitaires du Burkina Faso (USSU-BF), vu qu’il n’y avait pas de club à Ouahigouya, il a créé l’AS Academy de Ouahigouya où nous sommes arrivés en première division (D1) dans les années 2010-2011. C’est lors de notre première participation en D1 que j’ai obtenu le titre de meilleure joueuse. Après cette saison, j’ai d’abord été convoquée pour une présélection en équipe nationale avec mes grandes sœurs. Parmi le lot de joueuses convoquées, j’étais la plus jeune. A la présélection, on ne pouvait garder que 14 joueuses et Dieu faisant bien les choses, je faisais partie des 14 sélectionnées. C’est avec cette sélection que nous nous sommes rendues au Niger pour un match. Match durant lequel j’ai été joueuse titulaire de la compétition du début jusqu’à la fin. C’est de cette manière que j’ai réussi à intégrer l’équipe nationale en 2011 et j’y suis toujours en tant que capitaine de l’équipe.
Quel est, selon vous, l’état actuel du volleyball féminin au Burkina Faso ?
Actuellement, nous ne disposons pas d’une équipe en deuxième division (D2). Nous sommes toutes en première division (D1) avec pas mal d’équipes. A la ligue du Centre, il n’y a pas moins de six équipes. Il y a également les équipes des Hauts-Bassins et du Nord donc, je me dis que ça va puisque que nous arrivons à compétir et notre saison se déroule à merveille.
Quelles sont les avancées et les domaines à améliorer au niveau du volleyball féminin au Burkina Faso ?
Il y a beaucoup de choses à améliorer dans le volleyball. Tout comme les autres disciplines sportives, le volleyball a également besoin de soutien financier et matériel. Qui parle de volleyball doit forcément parler de matériel parce que sans le matériel, nous ne pouvons pas avancer. Quand je parle de matériel, je fais référence aux ballons, aux filets et même le cadre (terrain). Si on avait un accompagnement et avec l’expérience que nous avons, on pourrait motiver nos jeunes sœurs à se lancer dans ce sport.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que capitaine d’équipe de volleyball ?
Au niveau de l’équipe nationale, quand il y a des regroupements, tout repose sur la capitaine. C’est elle qui devient l’intermédiaire entre ses coéquipières et l’équipe technique, ce qui est souvent très compliqué. Tu deviens comme une sorte de barrière entre les deux camps. Mais on arrive à trouver le juste milieu en communiquant avec la fédération. C’est également la même chose au niveau du club. Etant donné que tu es capitaine, tout retombe à chaque fois sur toi et tu dois être capable de prendre les choses positivement. En tant que capitaine, tu dois être fière et montrer le bon exemple de sorte à pouvoir encourager et motiver tes coéquipières. C’est la raison pour laquelle on ne choisit pas le capitaine au hasard.
Comment percevez-vous l’engagement des jeunes filles dans ce sport ?
Les jeunes filles commencent à être de plus en plus engagées. On commence à avoir de la relève. Récemment, nos U17 étaient au Benin pour une compétition en zone 3 et elles sont revenues avec la médaille de bronze. Il y a la relève mais nous avons besoin de soutiens pour former les encadreurs qui vont recruter les jeunes filles et de la présence des doyennes comme nous pour les motiver à travers nos actions.
Quels conseils leur donneriez-vous ?
Je dirais à mes jeunes sœurs de s’armer de courage parce que rien n’est facile. On ne devient pas championne en un jour. Elles doivent redoubler d’efforts et surtout accepter de perdre pour devenir championne car comme on le dit, on apprend mieux dans la douleur.
Avez-vous déjà remporté des titres que ce soit sur le plan national ou international ?
Sur le plan national, j’ai eu pas mal de titres personnels. Pendant la saison précédente, j’ai eu neuf Most valuable player (MVP) en première division. J’ai été élue meilleure joueuse de la saison. J’ai été championne avec l’AS Sonabel, en 2023. J’ai été élue meilleure joueuse de l’Association des journalistes sportifs du Burkina et aussi vice-championne 2024 au championnat national. J’ai eu vraiment pas mal de prix. Nous avons également joué des matchs à l’extérieur où nous avons remporté la médaille de bronze dans notre zone qui est la zone 3.
Avez-vous des anecdotes sur vos débuts dans ce milieu ?
Je joue toujours au volleyball par amour mais à mes débuts, l’amour de la chose était beaucoup présente. On partait sur le terrain pieds nus, on jouait pieds nus mais malgré cela, nous étions toujours à l’aise. A la fin tu prends ton titre de championne et tu es contente de toi. Pour la petite anecdote, à ma deuxième sélection en équipe nationale, on devait se rendre à Abidjan pour un match. On devait effectuer le voyage en avion et c’était mon tout premier vol. Notre entraîneur, monsieur Sidibé, disait à chaque fois aux gens de surveiller sa fille que je suis parce que je ne suis pas facile. A notre arrivée, je suis descendue de l’avion sans mon billet d’avion. Arrivée au contrôle, j’étais la seule à ne pas avoir mon billet d’avion et les gens se sont mis à se moquer de moi. Ils disaient que ça ne pouvait être que la « poulotte ». J’ai trouvé cela très drôle mais je me suis promis que cela n’allait plus m’arriver.
Quels sont vos objectifs personnels en tant que joueuse dans les années à venir ?
En tant que joueuse, je voudrais demander à la fédération et au ministère des Sports de nous permettre d’aller à l’extérieur pour affronter les meilleures équipes afin de pouvoir leur montrer tout l’étendue de notre talent. Nous avons participé à la CAN du volleyball la saison passée au Cameroun et c’était très intéressant. Nous ne sommes certes pas revenues de cette CAN avec une médaille mais nous avons appris beaucoup de choses. C’était d’ailleurs notre premier voyage à l’extérieur depuis que nous sommes en sélection. Nous effectuons des voyages dans le cadre de nos compétitions mais c’est toujours dans notre zone.
Comment conciliez-vous votre carrière sportive avec votre vie personnelle et votre vie professionnelle ?
J’arrive à faire la part des choses à ce niveau. Je suis mariée et maman d’un jeune garçon. Quand j’arrive à la maison, je suis une femme au foyer, je ne parle pas de mon travail. Quand je suis au service, je ne laisse pas mon foyer interférer, c’est le service qui prime. J’ai également eu la chance d’avoir une hiérarchie et un conjoint très compréhensifs qui m’accompagnent et qui facilitent mes déplacements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. J’aimerais profiter de l’occasion pour leur réitérer mes sincères remerciements.
Est-ce que votre carrière sportive impacte votre vie personnelle/sociale ?
Je renvoie une image positive à travers le volleyball. Je dirais que chaque sportif doit jouer un rôle d’éducateur. Les gens doivent pouvoir tirer des leçons à travers toi. Aujourd’hui, je peux dire que c’est une fierté pour moi d’être à ce niveau. Il y a des jeunes filles qui, en me voyant, elles me disent « grande sœur j’aimerais être comme toi, j’aimerais jouer comme toi ». Même dans la vie professionnelle, tu dois être capable de donner l’exemple.
Sport et maternité, comment arrivez-vous à concilier les deux ?
Ce n’est pas une chose aisée de concilier le sport et la maternité mais je dirais que l’un n’empêche pas l’autre. Si tu n’as pas de complications après ton accouchement, tu peux continuer à faire ton sport sans souci. Si on t’autorise à jouer après ton accouchement, tu peux même amener ton bébé sur le terrain. Tout est une question d’organisation. Moi, je n’ai pas eu de soucis à ce niveau. Je partais à mes deux heures d’entraînement qui avaient lieu trois fois dans la semaine avec mon enfant et sa nourrice. Il m’arrivait même de les amener avec moi quand j’avais un match. Quand je finis mon match et que je prends mon maillot de MVP avec mon bébé, je suis très fière de moi.
Un mot de fin ?
Je tenais encore une fois de plus à dire merci à mes coéquipières du club et de l’équipe nationale. Merci à mes entraîneurs Beloum Souleymane, Ben Barro Ahmed, Bamoussa Diarra qui étaient là depuis le début jusqu’à maintenant et qui ont participé à ma réussite dans ce sport. Merci à toutes ces personnes qui ont participé à ma réussite dans ce sport et à mon institution policière qui fait toujours de son mieux pour me faciliter la tâche.
Hanifa Koussoubé
Anita Zongo (stagiaire)
Lefaso.net