mercredi 25 septembre 2024
De la communication au graphisme, Lydie Wendkuuni Yaméogo s’est tracée une voie dans un secteur encore majoritairement masculin au Burkina Faso. Sa passion et sa détermination lui ont permis de surmonter les nombreux défis rencontrés pour devenir graphiste professionnelle.
Lydie Yaméogo n’a pas toujours envisagé une carrière dans le graphisme. Son parcours commence de manière assez classique avec des études en communication, une discipline qu’elle choisit après l’obtention de son baccalauréat. Ce n’est qu’en troisième année d’université qu’elle découvre le graphisme lors d’un module. Cette révélation marque un tournant dans sa carrière. En visitant une agence de communication, elle prend conscience des vastes possibilités créatives offertes par le graphisme, ce qui l’incite à se former dans ce domaine.
« C’est à la suite de la visite en agence, que je me suis renseignée sur comment je pouvais me former en graphisme, puisque à l’issue du cours, le professeur nous avait fait comprendre que c’était toujours bien pour un chargé de communication d’avoir des compétences en graphisme. Je me suis donc renseignée auprès de mes aînés sur là où je pouvais me faire former, histoire d’ajouter une corde à mon arc. Suite à mes renseignements, j’ai été mise en contact avec un graphiste du nom de Adama Sawadogo qui m’a encadrée pendant plus de trois mois. J’ai eu à faire des travaux durant la formation. J’ai trouvé cela très intéressant, contrairement à ce que certains pouvaient dire, car je me suis rendu compte que j’avais également ma petite touche à apporter », a indiqué Lydie Yaméogo.
Après sa formation en 2019, Lydie prend la décision en 2021 de se consacrer pleinement à cette discipline. Elle se forge une identité graphique professionnelle, minimaliste, mais toujours en quête de perfectionnement.
« Je décrirais mon style comme professionnel et un peu minimaliste. La plupart de mes contrats étaient avec des entreprises, ce qui m’a amenée à développer un style plus adapté à leurs besoins. Cependant, étant graphiste indépendante, je cherche encore à me perfectionner pour relever de nouveaux défis », explique-t-elle.
Selon elle, une bonne graphiste doit avant tout être curieuse. Cette qualité permet de sortir de sa zone de confort, d’explorer de nouvelles tendances et de poser les bonnes questions pour progresser. La créativité, une compétence qui se travaille, est tout aussi essentielle, tout comme le courage. Ce dernier point est, pour elle, particulièrement important pour les femmes, qui doivent parfois faire face à des préjugés dans un milieu encore largement dominé par les hommes.
En effet, en tant que femme, les obstacles auxquels elle a dû faire face dans ce milieu ne sont pas rares. Les stéréotypes de genre persistent car certains s’étonnent encore de voir une femme dans ce domaine. Mais, elle n’a pas laissé ces obstacles la freiner. « On pense que le graphisme a un genre. Cela se remarque beaucoup plus dans la sous-région. Je dirais que le graphisme est encore nouveau et encore plus au Burkina Faso. Il est bien vrai que le métier existe depuis des années mais actuellement, on a l’impression que c’est quelque chose de nouveau. Cela veut dire qu’il y a un manque d’informations, un manque de culture sur le sujet. Le second obstacle est lié à la femme. Prenant exemple sur ma promotion, quand nous sommes arrivés en première année de communication, nous ne savions pas que la conception des panneaux publicitaires que nous voyions à l’extérieur avait une branche dans la communication. Bien vrai que ce n’était pas de notre faute mais nous n’avons pas été assez curieuse. Quand on est une femme, on ne doit pas se dire que le métier est saturé par pleins d’hommes. Si tu décides d’explorer le graphisme ou la vidéographie, tu dois t’y consacrer corps et âme pour au moins t’évaluer sur une période », précise Lydie Yaméogo.
Son conseil aux femmes est clair : « Ne restez pas dans votre zone de confort. Soyez curieuses et ne vous laissez pas décourager par les préjugés. »
La graphiste professionnelle se dit particulièrement fière d’une de ses réalisations qui a porté sur l’élaboration d’une charte graphique. Cette expérience l’a amenée à collaborer avec des développeurs et à s’attaquer à des tâches inhabituelles.
« En juin dernier, je créais des visuels pour une structure dont je vais taire le nom. Par la suite, ils ont voulu que je participe à la refonte de leur site web. J’ai été donc chargée de l’élaboration de leur charte graphique. C’est un travail qui sortait de ce que je faisais habituellement. Durant tout le processus, j’ai eu à travailler avec des développeurs. Etant graphiste indépendante, cela a complètement changé ma façon de travailler », confie-t-elle.
Face aux évolutions technologiques, notamment l’émergence de l’intelligence artificielle, Lydie voit ces outils comme une opportunité plutôt qu’une menace. Elle considère l’IA comme un atout pour les graphistes, permettant de gagner du temps et d’explorer de nouveaux horizons créatifs.
Pour elle, le métier de graphiste au Burkina Faso est en pleine évolution, avec un rôle clé dans l’innovation et le développement. Les graphistes ne sont plus simplement des exécutants, mais participent activement à l’éducation de leurs clients, en les aidant à comprendre l’évolution des tendances et des technologies.
A la question de savoir si le métier de graphiste nourrissait son homme, Lydie Yaméogo répond par l’affirmatif, tout en précisant que c’est également au graphiste de valoriser son travail. « Pour ce que j’ai eu avec la conception de la charte graphique, je dirais que le métier paie. Mais c’est à nous d’avoir une façon de travailler qui va pousser les gens à s’intéresser et à avoir envie de mettre la main dans la poche. Les gens s’attendent à ce que tu fasses du très bon travail mais à des prix dérisoires. Un bon travail a un prix et l’annonceur doit être en mesure de pouvoir payer ce prix. C’est aussi au graphiste de montrer qu’il mérite d’être payé à ce prix », a-t-elle souligné.
Elle est convaincue que le métier de graphiste peut offrir une carrière lucrative, à condition de savoir valoriser son travail et d’éduquer les clients sur l’importance de payer un prix juste pour des créations de qualité. Son message aux jeunes femmes est sans équivoque : « Le graphisme est un métier noble. Ne vous découragez pas, c’est un domaine dans lequel vous pouvez vraiment vous épanouir. »
Hanifa Koussoubé
Anita Zongo (stagiaire)
Lefaso.net