samedi 3 décembre 2016
Femme de feu et de foi, Mme Yvette Niamké, responsable du Ministère catholique d’évangélisation des femmes à Abidjan (MICEF) en Côte d’Ivoire, était en visite à Ottawa en août 2016. Au cours d’un véritable marathon de prédications, elle a donné des prêches sur l’autorité spirituelle et la réalité du combat spirituel, l’intimité avec Dieu, la discipline dans l’œuvre de Dieu, les charismes et les dons spirituels, l’évangélisation. Admirable dans son don d’elle-même à son ministère, elle est entière et totale et fait vibrer les foules. Nous vous invitons à la découvrir dans cette interview.
Pourquoi ce besoin d’un ministère d’évangélisation ciblé sur les femmes ?
Merci de l’opportunité que vous m’offrez. Nous avons initié cette pastorale en direction des femmes parce qu’à l’époque, comme encore aujourd’hui, nous avions constaté que les femmes, même quand elles fréquentent d’Eglise, ont recours aux marabouts, devins et autres pour ce qui concerne leur vie de femme (mariage, enfantement, problème de foyer…). Nous voulions donc les mener dans une relation, une conversion réelle car nous croyons que la conversion introduit Jésus dans l’intimité de nos vies. Nous sommes convaincues que le Christ qui nous a été annoncé, est un Christ incarné, qui plus est, incarné dans une femme. Nous pensions qu’il fallait les conduire vers le Christ Jésus, unique chemin, seul capable de répondre à nos aspirations les plus profondes. Cela d’ailleurs se conforme à la croix où se trouvaient trois femmes, les trois Marie, comme pour dire que la passion est au bénéfice de la femme.
Dans vos missions, il est dit que vous voulez amener une conversion réelle en milieu féminin. Est-ce à dire que les femmes sans lesquelles il n’y aurait pas d’Eglise ne sont pas réellement converties ?
Je voudrais ici dire qu’il y a hélas une différence entre avoir une religion et rencontrer le Christ. Beaucoup de femmes en effet sont de religion catholique, mais peu sont chrétiennes. Une rencontre avec le Christ est une expérience bouleversante qui fait de lui le sommet de nos aspirations, et l’objet perpétuel de notre quête. Les femmes cherchent tout sauf le Christ. Quand on est convertie, le changement qui s’opère est visible, palpable et fait de nous des témoins. On ne peut pas être en contact avec celui qui est le remède du péché et continuer de pratiquer le péché. Et c’est justement parce qu’elles sont dans l’Eglise nombreuses que les commérages, palabres, divisions… subsiste. Il importe alors justement de les traiter si nous voulons une Eglise forte. C’est un devoir !
Travailler à la restauration de la femme afin de réhabiliter son image. Est-ce à dire que son image est écorchée dans l’Eglise et la société ?
Oui ! Foncièrement dégradée. Si bien que pour la publicité d’un pot de yaourt, on présente une femme nue. La femme n’est vue qu’au travers de son sexe, et c’est dommage que l’humanité n’ait pas encore compris sa valeur et sa place ! La femme doit comprendre qu’elle-même se rabaisse car pourquoi marcher pratiquement nue pour attirer les regards ? N’avons-nous pas autre chose à proposer que du sexe ?
Depuis quand le MICEF existe-t-il ?
Le MICEF existe depuis 2010, mais il est l’expression d’une vision qui s’est déployée il y a de cela 23 ans. Cette vision dans son exécution avait une autre appellation, mais depuis 2010, c’est le MICEF.
Comment avez-vous entendu cet appel à le créer ? Combien de membres compte le MICEF ?
L’appel est venu comme un cri de cœur, une réalité qui se présentait à moi. Jeunes femmes, nous ressentions, quelques sœurs et moi, le besoin de nous retrouver pour prier pour nos besoins spécifiques de femmes (désir de mariage, enfantement, foyer, épanouissement personnel…). Ces rencontres ont vite attiré d’autres femmes par les témoignages édifiants qui sortaient de cette cellule qui se tenait chez moi, à la maison. Nous avions continué de 1991 à 1996, précisément le 22 novembre, où le Seigneur par prophétie nous a dit « Je vous appelle a lever une armée de femmes car, si les femmes sont gagnées, leurs enfants et leurs maris le seront aussi, et le monde le pourra aussi ». Aujourd’hui, ce qui avait commencé entre 7 personnes regroupe 150 femmes.
Attirer les femmes dans la présence de Dieu pour leur sanctification. Est-ce seulement les femmes qui ont besoin d’être sanctifiées ?
Non, mais comme dit l’Ecriture en 1 Pierre 3:1 « Femmes, soyez de même soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n’obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes ». C’est un moyen pour nous de toucher tout le monde. Chacun reçoit de Dieu sa stratégie d’évangélisation et le Seigneur nous a dit, c’est par la femme, et elle dans sa maison, fera le reste du boulot. Car enfin de compte, la finalité est décrite en Tite 2, 3-5 « Dis que les femmes âgées doivent aussi avoir l’extérieur qui convient à la sainteté, n’être ni médisantes, ni adonnées au vin ; qu’elles doivent donner de bonnes instructions, dans le but d’apprendre aux jeunes femmes à aimer leurs maris et leurs enfants, à être retenues, chastes, occupées aux soins domestiques, bonnes, soumises à leurs maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. ».
Il est dit dans les missions du MICEF que c’est pour les enseigner à aimer leur mari et à élever leurs enfants chrétiennement. Est-ce que ça ne confine pas la femme à son rôle traditionnel d’épouse et de mère ?
Je pense qu’il faut savoir être dans l’objectif du créateur. Dieu en faisant la femme, l’a voulue comme aide pour l’homme. C’est le centre de sa vie. C’est pourquoi, une femme a beau être chercheur dans le nucléaire, médecin, professeur titulaire de chaire, mais sans un compagnon, un époux et des enfants, elle a un sentiment d’inutilité et son épanouissement ne peut être complet. Sans emploi, certaines femmes sont cependant heureuses parce que vivant pleinement leur vocation d’épouse et de mère. A celles-là, nous disons qu’il y a trois états indispensables par lesquels la femme se réalise : elle est fille d’un père, puis de Dieu d’abord, puis elle devient épouse et enfin mère. Par ailleurs une femme qui dirige une société avec brio et voit ses enfants devenir des ratés est plus malheureuse que celle qui est simple ménagère. Dieu ne s’est pas trompé sur la vocation de la femme et nous non plus !
Ou se situe le MICEF dans le débat sur la place des femmes dans l’Eglise ? Doit-on leur concéder plus de place ? Ou doit-on les maintenir dans leur rôle invisible de consommatrices ?
Je pense que la question est un peu dépassée car si il y a longtemps cette pensée pouvait traverser l’esprit de certains, de nos jours, les femmes ont pris leur place dans la maison de Dieu. Vous savez, le plan de Dieu a toujours été que l’homme et la femme travaillent de concert. C’est pourquoi, c’est après avoir mis l’homme au travail que Dieu crée la femme. Cela pour lui dire que, dans cette tâche immense qui t’ait confiée, tu as besoin d’une aide. Tant que la femme ne prenait pas sa place, la féminité de Dieu ne pouvait s’exprimer. Dieu dans sa sagesse l’a d’ailleurs introduite par le dogme de Marie. Et ce n’est pas à un catholique que j’expliquerai ce que cette femme représente dans l’Eglise !
Qu’en est-il de l’expansion du MICEF ailleurs ? J’ai vu qu’il y avait un MICEF France. Qu’en est-il des autres pays voisins de la Cote d’Ivoire ? Les autres femmes africaines ont aussi besoin de l’évangélisation.
Votre question me rappelle une parole qui m’avait été dite il y a quelques années alors que je venais de prêcher sur le ministère de la femme. Une religieuse qui avait 47 ans de vie consacrée m’avait dit que ce message était un flambeau que je me devais de passer à toutes les femmes d’Afrique. J’en suis consciente, c’est pourquoi, nous avons commencé à travailler à l’expansion. Nous sommes en effet représentées en France, mais aussi au Burkina dans le diocèse de Koudougou. Je pense que les autres pays vont suivre.
Cheminer avec elles vers une plus grande connaissance du christianisme. Toucher le maximum des femmes en suscitant un réveil sur chaque paroisse et a un engagement effectif dans l’Eglise. Comment vous y parvenez ? Pouvez-vous en mesurer les résultats ?
Je ne dis pas une plus grande connaissance du christianisme, mais du Christ Jésus, de sa personne. Nous y œuvrons par une école de la Parole et de sa présence. Ces deux écoles se manifestent sous la forme de séminaires de formation et de cellules de prière qui permettent de familiariser les femmes à la parole et à l’intimité avec Dieu. Oui nous pouvons mesurer aujourd’hui en Côte d’Ivoire l’impact de cette évangélisation car, en 1991 lorsque nous initions cela, aucun ministère en direction des femmes n’existait, aujourd’hui, par les séminaires que nous avons initiés, de nombreuses femmes sont entrées dans la vie chrétienne et se sont engagées dans l’œuvre de Dieu.
Œuvrer à l’émergence d’une nouvelle génération de chrétiennes catholiques solidement enracinées dans la Parole de Dieu et qui ne soient pas ballotées à tous vents de doctrine ; est-ce un résultat atteint et mesurable depuis l’existence du MICEF ?
Ici aussi nous pouvons dire que notre pastorale en direction des femmes à freiné les nombreux départs vers les nouvelles églises qui un moment semblaient se présenter comme la solution à leurs problèmes. Aujourd’hui, lorsqu’une femme a un problème de foyer ou de couple, elle n’ira pas forcément dans une autre église ! Les femmes catholiques se sont familiarisées à la parole de Dieu et savent que dans leur église, la Parole de Dieu est annoncée !
On voit que les évangélisations des différentes communautés nouvelles attirent et ciblent beaucoup les femmes qui y vont pour tel ou tel problème et surtout pour le mariage et l’enfantement. Est-ce que le MICEF n’est pas parfois tiraillé dans son action à rassembler ses troupes dispersées ?
Pas du tout et nous n’essayons même pas. Toutes ces communautés savent que concernant l’apostolat en direction des femmes, nous avons été les premières. Tous les autres groupes sont le fruit de notre prière car l’éclosion a eu lieu lorsqu’en 2008, nous avons prêché sur le thème « Femme, découvre ton appel ». Depuis, elles ont pris chacune une part du champ de Dieu et nous en sommes heureuses. Nous ne pouvons pas à nous seules gagner toute la Côte d’Ivoire et le monde.
Dans les préoccupations des femmes reviennent souvent le mariage, la recherche de l’âme sœur et l’enfantement mais rarement sinon jamais entend-on se manifester le désir de la vie consacrée, religieuse. Si tout le monde se marie qui va répondre à l’appel pour la vigne du Seigneur ? Que fait le MICEF pour promouvoir l’appel à la vie consacrée ?
Disons une chose importante : le mariage a été la première institution divine, la première vocation. A ce titre, il est tout à fait normal qu’il soit l’objet de la préoccupation des femmes. Qu’on ne nous intente pas un procès et qui a dit qu’on ne peut pas servir Dieu en étant mariée ? Je suis bien mariée, mère de quatre enfants, mais dans l’œuvre de Dieu depuis 1989, l’évangile avance. De plus, nous ne faisons pas de zoom sur les vocations qui se manifestent. Il y a des vocations qui se signalent, mais comme toute vocation particulière, la vocation à la vie consacrée est plus timide. Si toutes les femmes deviennent religieuses, comment naîtrons les enfants et comment le plan initiale de Dieu se manifestera-t-il ? Or il a dit en Gen 2,26 « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre ». Et au verset 28 « Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre ».
Pour la promotion de la vie consacrée, j’avoue que rien car, je présente Christ à quiconque vient à moi, et après l’avoir gouté, d’autres diront comme Paul en Philippiens 3:8 « Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l’excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j’ai renoncé à tout, et je les regarde comme de la boue, afin de gagner Christ ».
Aider à une insertion sociale et à une autonomie financière de la femme. Noble mission. Comment pouvez-vous mesurer cela ? Quels exemples concrets ? Comment pouvez-vous atteindre cet objectif ? Par quelles initiatives ?
Nous avons à ce niveau initié une mission dénommée « femme audacieuse, femme d’impact » qui travaille à suscité l’entreprenariat. Elle travaille à mettre sur pieds un système d’entraide entre femmes. Les résultats son mesurables par le nombre de femmes qui sont dans le réseau.
Le père Abekan est l’initiateur d’un mouvement de femmes dans l’Eglise dénommée AFEC. Est-ce que l’AFEC est en concurrence avec le MICEF ? Quelles sont les relations entre ces deux organisations ?
L’AFEC n’est pas en concurrence avec le MICEF, nous travaillons en bonne intelligence et en harmonie. Comme me disait une maman de l’AFEC, le MICEF est la branche évangélisatrice de l’AFEC dont nous sommes toutes membres.
Quelles sont les réactions des autorités masculines dans l’Eglise de Cote d’ivoire à propos du MICEF ? Bénéficiez-vous d’un soutien moral, matériel financier ? Ou y a-t-il objections ?
Nous n’avons pas de problèmes particuliers avec les responsables masculins de l’Eglise. Nous avons toujours bénéficié de l’appui des prêtres dans notre mission et avons toujours travaillé à être une bénédiction pour l’Eglise. Ne parlez pas de soutien financier car ce n’est un secret pour personne que l’Eglise n’a pas d’argent.
Vous venez de finir un marathon d’évangélisation ici à Ottawa. Depuis quand êtes-vous à Ottawa et depuis quand a débuté cette évangélisation ?
Je suis arrivée à Ottawa le 18 août et l’évangélisation a commencé le 20.
Quelles sont vos impressions ?
Il y a ici une grande détresse, un grand besoin d’évangélisation. C’est une terre en souffrance car c’est ce qui arrive quand on abandonne Dieu et qu’on le prie de sortir de nos vies. Mais il se trouve encore ici un reste qui est resté fidèle et dont la prière féconde l’évangélisation.
Comment avez-vous trouvé l’audience de ces différentes évangélisations ?
Elle est allée grandissante. Je pense que le message est passé et Dieu a rassemblé ses élus.
Aviez-vous des appréhensions en venant ? Si oui, lesquelles ?
Non aucune au plan spirituel, j’étais très fatiguée physiquement, mais le Seigneur m’a dit qu’il était lui, prêt, alors je suis là.
Par rapport à ce que vous savez du Canada avez-vous été surprise de l’accueil ?
Oui, agréablement. Il y a une chaleur, une tendresse qui exprime le besoin d’amour des gens.
Que pensez-vous de l’Eglise au Canada ?
Une église qui se relève de ses cendres et qui a besoin d’être soutenue. Le temps de restauration arrive.
Vous êtes une femme d’une grande foi et d’une grande humilité aussi. Ces deux points me touchent beaucoup. Comment a grandi et évolué votre Foi ?
Simplement, comme la foi d’un enfant en son père. Elle s’est enracinée dans sa parole, car en elle, je ne doute pas.
Comment avez-vous entendu cet appel pour cette mission ?
De diverses manières : en vision, en songe, mais aussi par l’impact que ma prédication avait sur les personnes qu’il m’a été donné de rencontrer. Les signes qui ont accompagné ont confirmé cet appel.
Comment vous préparez-vous à la prédication ?
Dans la prière, dans la Parole et les livres que l’Eglise met à notre disposition comme le Catéchisme de l’Eglise Catholique, le compendium, le VTB (vocabulaire Théologique Biblique)
Vous êtes très sollicitée et toujours partie. Comment votre famille accueille votre indisponibilité ?
Je vis avec ma famille chaque moment intensément. Chacun par ailleurs est engagé dans la foi avec moi. Ma fille est CVAV, une autre, scoute, un autre chantre, mon époux est engagé dans la CEB, nous savons tous ce que servir Dieu signifie et chacun y veille. Alors quand nous sommes réunis, nous en profitons au maximum. Par ailleurs, je suis une femme qui veille sur ce qui se passe dans sa maison et sait établir ses priorités.
Est-ce que les enfants ou votre époux ne se plaignent-ils pas de vos absences régulières, fréquentes et longues, car cela m’a l’air d’un marathon sans fin.
Non, pas du tout. Mon époux est mon premier coach car à un moment où je voulais arrêter, il était celui qui m’encourageait et me galvanisait. Mes enfants quant à eux, sont souvent présents à mes programmes et y participent. Ils en sont tous fiers et heureux. Pour ce qui est du marathon sans fin, je ne crois pas qu’il soit sans fin, il a toujours une fin car ma famille est le lieu où je puise ma force pour être au service de mon Seigneur et Père.
Est-ce que vous vous reposez ? Le repos ne me parait pas faire partie de votre vocabulaire.
Là est la grande question. Pas beaucoup, je l’avoue. Cependant ces derniers temps, j’apprends à décrocher pour me reposer.
Un mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Simplement prier pour moi et sachez que Dieu ne désespère de personne. Il vous aime et veut vous faire du bien. Ouvrez vos cœurs et sachez que vous êtes une équation spirituelle que le diable ne peut résoudre, une graine très dure qu’il ne peut croquer, une question à laquelle il ne peut répondre, une montagne tellement haute qu’il ne peut la surmonter, un espace très vaste qu’il ne peut contourner, un feu divin qu’il a peur d’approcher. Vous êtes spéciaux et Dieu vous aime, sa main est sur vous et rien ni personne ne pourra vous nuire.
Angèle Bassolé
Écrivaine et éditrice
Ottawa, Canada
Pour Lefaso.net